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Bahreïn. Le recours au gaz lacrymogène contre les manifestants se fait de plus en plus meurtrier!

27 Jan

 

Les autorités bahreïnites doivent enquêter sur la douzaine de décès provoqués par un recours inconsidéré au gaz lacrymogène par les forces de sécurité, a déclaré Amnesty International après qu’une nouvelle personne ait été grièvement blessée par une grenade lacrymogène à Manama cette semaine.

Mardi 24 janvier, Mohammad al Muwali, 20 ans, a été gravement blessé puis hospitalisé après avoir été touché à la tête par une grenade lacrymogène lancée par des policiers antiémeutes réagissant à une manifestation contre le gouvernement dans le quartier de Karrana, dans la capitale.

Un groupe bahreïnite de défense des droits humains a signalé qu’au moins 13 décès étaient imputables à l’utilisation de gaz lacrymogène par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques, ainsi qu’au domicile de plusieurs personnes, depuis février 2011, et que ce type d’homicide s’était fait plus fréquent ces derniers mois.

« L’augmentation du nombre de victimes et les témoignages recueillis donnent à penser que les forces de sécurité bahreïnites utilisent le gaz lacrymogène de manière inconsidérée, notamment à l’intérieur de logements et dans d’autres espaces réduits », a déploré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Les autorités bahreïnites doivent enquêter et rendre des comptes face aux allégations selon lesquelles une douzaine de décès sont dus à l’utilisation de gaz lacrymogène. Il faut donner aux forces de sécurité des consignes sur le recours au gaz lacrymogène qui soient conformes aux normes internationales relatives au maintien de l’ordre. »

Le gaz lacrymogène est employé comme agent antiémeutes par les organes chargés de l’application des lois dans de nombreux pays, afin de disperser les rassemblements violents représentant une menace à l’ordre public.

Toutefois, l’emploi inconsidéré de ce gaz, notamment dans des espaces réduits ou contre des manifestants non armés faisant simplement l’exercice de leur droit à la liberté d’expression et de réunion, peut constituer une violation des droits humains.

Amnesty International demande aux autorités bahreïnites de rendre publiques les consignes adressées aux forces de sécurité assurant le maintien de l’ordre lors des manifestations.

Des témoins ont déclaré à Amnesty International que les forces de sécurité bahreïnites lancent intentionnellement des grenades lacrymogènes à l’intérieur de logements privés, avec, souvent, de terribles conséquences pour les personnes se trouvant à l’intérieur.

Fatima Khudair, avocate bahreïnite, a décrit comment des policiers antiémeutes ont utilisé des grenades lacrymogènes après être arrivés chez elle, dans le village de Sitra, au sud de la capitale, le 5 janvier.

Elle a déclaré qu’une douzaine de femmes et d’enfants se trouvaient à son domicile lorsque environ 30 policiers ont fait irruption sur place et ont commencé à les frapper.

Fatima Khudair a expliqué qu’un des policiers a lancé une grenade lacrymogène dans une pièce de la maison, puis cinq autres dans une cour adjacente.

Le gaz lacrymogène a gravement atteint Maryam Issam Ghanem, la fille de l’avocate, âgée de sept ans, qui est asthmatique. Sa condition n’est toujours pas stable.

Zaynab Ali Ghanim, belle-sœur de Fatima Khudair, a elle aussi été hospitalisée pour une inflammation oculaire causée par le gaz lacrymogène, parmi d’autres blessures infligées par les policiers.

Des militants en faveur des droits humains et des informations récemment relayées par les médias ont fait état de plusieurs décès résultant de l’emploi, par les forces de sécurité bahreïnites, de gaz lacrymogène à l’intérieur de logements.

Salma Mohsin Abbas, 81 ans, est morte après qu’un membre des forces de sécurité eut lancé une grenade lacrymogène à l’intérieur de son domicile dans le village de Barbar, le 13 janvier. D’après son fils, la grenade a été tirée à travers la porte ouverte de la maison, après que les forces de sécurité aient dispersé une manifestation dans le village.

Vendredi 20 janvier, Yaseen AlAsfoor, 14 ans, est mort trois semaines après avoir été hospitalisé ; les forces de sécurité avaient tiré trois grenades lacrymogènes contre son domicile dans le village de Maameer, au sud de Manama. Il était asthmatique et a été transféré à l’unité de soins intensifs du complexe médical Salmaniya de Manama ; une défaillance pulmonaire a eu raison de lui.

Sayyed Hashem Saeed, 15 ans, a été tué lorsqu’une grenade lacrymogène tirée depuis une faible distance l’a touché, alors que les forces de sécurité réagissait à une action de protestation à Sitra, au sud de Manama, le 31 décembre 2011. Les forces de sécurité ont plus tard utilisé du gaz lacrymogène à l’enterrement de l’adolescent afin de disperser les personnes portant son deuil.

Amnesty International a demandé aux autorités américaines de suspendre les transferts de gaz lacrymogène et d’autres équipements antiémeutes destinés aux autorités bahreïnites. Des grenades lacrymogènes et des matraques de fabrication américaine ont été retrouvées après le raid mené le 17 février 2011 par la police antiémeutes contre des actions de protestation pacifiques se déroulant à l’ancien rond-point de la Perle, à Manama.

Face à l’émotion suscitée par les atteintes aux droits humains sur place, les États-Unis ont suspendu l’envoi d’une cargaison d’armes à destination de Bahreïn en octobre 2011.

Parallèlement, le gouvernement brésilien aurait ouvert une enquête sur des allégations selon lesquelles des entreprises brésiliennes vendaient du gaz lacrymogène au gouvernement bahreïnite.

Amnesty International demande par ailleurs que le gaz lacrymogène et autres armements, munitions et équipements utilisés dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre soient inclus parmi les armes classiques dont le commerce doit être régulé par le traité international sur le commerce des armes qui sera négocié cette année.

http://www.amnestyinternational.be/doc/s-informer/actualites-2/article/bahrein-le-recours-au-gaz

 

 

Incroyable le peu de médiatisation des événements sur place,vous ne trouvaient pas…?!

Pourtant cela ressemble à s’y méprendre aux différentes révolutions de ces derniers mois…. Pour mieux comprendre,petit état des lieux:

 

Dans une rencontre au Bahrein il y a deux mois – selon le News York Times, 19 février-  un membre du parlement a demandé à la secrétaire d’Etat Hillary Clinton ce qu’elle pensait de la vague d’arrestations d’avocats et militants des droits de l’homme. Mais il a été interrompu par le modérateur. Clinton a de toutes façons répondu qu’à ses yeux,  « le verre est à moitié plein : les changements au Bahrein sont beaucoup plus grands que ceux des autres pays de la région ».

 A la lumière de la sanglante répression des manifestants opérée par  l’armée -commente le News York Times – l’évaluation toute rose de Clinton montre à quel point le gouvernement des Etats-Unis a négligé les violations des droits de l’homme dans un royaume qui constitue un hub économique et militaire dans le Golfe persique.

Le Bahrein est un minuscule Etat (à peine 700 km2), formé de l’île homonyme et d’une trentaine d’îles mineures, avec environ un million d’habitants. Mais il est situé dans le Golfe persique, face aux côtes saoudiennes et à 200 Kms seulement des côtes iraniennes : donc dans une position géostratégique de première importance.  Pour cette raison, depuis qu’il est devenu indépendant de la Grande-Bretagne en 1971, les Etats-Unis l’ont utilisé comme base de leurs propres forces navales dans le Golfe.

 En 1995, s’est installé à Manama le quartier général des forces navales du Commandement central, comprenant la 5ème flotte, dont l’aire d’opérations inclut le Golfe persique, la Mer Rouge, la Mer d’Arabie et d’autres parties de l’Océan indien.  Dans la configuration classique, ces forces navales comprennent un porte-avions avec son groupe de bataille et un groupe d’expédition d’attaque, avec 25mille hommes à bord, plus 3 mille du personnel à terre. C’est du quartier général du Bahrein qu’ont été conduites les opérations navales contre l’Irak et, avec l’aviation des porte-avions, que sont effectués les raids sur l’Afghanistan.

Le principal garant des intérêts des Etats-Unis au Bahrein est Sa Majesté le Roi Hamad bin Isa Al Khalifa. Il a été formé au début des années 70 à l’académie militaire de l’armée états-unienne de Fort Leavenworth (Kansas), où il a été diplômé avec une mention d’honneur. Titre mérité : il n’aurait pas pu faire plus pour les Etats-Unis.

Quand en mai 2009 il a rencontré le général David Petraeus, il a déclaré (comme il résulte d’un câblogramme de l’ambassade états-unienne 🙂 « Quoi que vous vouliez sur terre, sur mer ou dans les airs, nous pouvons, nous, le faire ». En échange les Etats-Unis ont armé et entraîné les forces armées et de police du Bahrein, en les dotant de chars d’assaut M60, de chasseurs-bombardiers F-16, d’hélicoptères Cobra et autres armements modernes. Ceux-là même qui ont été utilisés pour réprimer dans le sang les manifestations pacifiques pour les droits de l’homme.
Et pourtant la monarchie héréditaire du Bahrein devrait être « constitutionnelle », comme le proclame la nouvelle Constitution de 2002. C’est toujours le souverain, cependant, qui exerce la fonction de chef d’Etat, nomme le premier ministre (qui est le même depuis 40 ans), le conseil des ministres et les 40 membres de la chambre haute du parlement. Les autres 40 membres, de la chambre basse, sont élus tous les quatre ans (sans que soient présents des observateurs internationaux), mais les pouvoirs du parlement sont pratiquement nuls et les partis hors la loi. Les autres charges, comme celle de chef des forces armées attribuée de droit au prince héritier, sont quasiment toutes distribuées à l’intérieur de la famille royale, qui appartient à la minorité musulmane sunnite, représentant 30% de la population tandis que 70% est chiite.

C’est cette même famille royale qui se partage le gros des profits dérivant de l’exportation du pétrole et du gaz naturel, d’où proviennent 75% des entrées gouvernementales, et qui bénéficie de la présence au Bahrein de plus de 370 banques offshore et de 65 multinationales états-uniennes. Le revenu national dépasse les 25mille dollars par habitant, mais sa distribution est extrêmement inégale. S’y ajoute le fait que, sur une population d’environ un million d’habitants, quasiment la moitié est composée de travailleurs étrangers qui n’ont pas la citoyenneté.

Avec ce régime dictatorial soutenu par les Etats-Unis, l’Italie a tissé des rapports croissants d’amitié, depuis l’époque du gouvernement Prodi, quand, en 2006, la ministre Emma Bonino a accompli une « intense visite de travail » au Bahrein, au cours de laquelle elle a rencontré le premier ministre et signé un accord économique.  Et en juillet 2008 s’est déroulée la première visite officielle en Italie du roi du Bahrein, qui a rencontré le président de la république Giorgio Napolitano et le président du conseil Silvio Berlusconi. « Cette visite – a-t-on déclaré- a confirmé la concordance de vues entre les deux gouvernements sur de nombreux thèmes et scénarios de l’actualité internationale ».  Comme celle de l’attaque armée, ordonnée par le roi du Bahrein,  contre des citoyens sans armes qui revendiquent les plus élémentaires droits humains.

Edition de dimanche 20 février de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/il-manifesto/in-edicola/numero/20110220/pagina/06/pezzo/297647/

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Manlio Dinucci est géographe.

Articles de Manlio Dinucci publiés par Mondialisation.ca

 

 

 

 
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Publié par le 27 janvier 2012 dans BILLET D'HUMEUR

 

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