INTERVIEW – L’aggravation des sanctions de certaines infractions routières, qui entre en vigueur jeudi, ne permettra pas d’atteindre l’objectif des moins de 3.000 morts en 2012, estime l’association « 40 millions d’automobilistes », pour qui l’accent doit être mis sur la prévention et les infrastructures.
Selon une estimation de l’Institut d’étude des accidents de la route, qui dépend de notre association, le chiffre définitif du nombre de morts sur nos routes en 2011 devrait être de 3.978 tués (3970 selon les chiffres provisoires annoncés mercredi soir par la sécurité routière), contre 3.992 en 2010. Donc, pris sur une année entière, les chiffres continuent de baisser légèrement.
Nous reprochons au gouvernement de réagir uniquement à partir de résultats quantitatifs, pris à un instant « T », sans tenir compte des conditions particulières de circulation à ce même moment. Par exemple : le nombre de morts sur les routes au mois de décembre 2011 devrait se situer entre 330 et 340 tués. Vous pouvez êtes sûr que l’on va nous dire que ce chiffre est très mauvais par rapport à décembre 2010 où il n’y a eu que 292 morts. Sauf qu’en décembre 2010, il y a eu tellement de neige que beaucoup de personnes n’ont pas roulé. En revanche, en 2007 et en 2008, où les conditions météorologiques étaient similaires à décembre 2011, on a eu 410 et 362 tués. Donc, en réalité, il y a du mieux.
Mais au-delà de ça, ce qui nous paraît le plus contestable, c’est que ces nouvelles mesures ne répondent pas à l’enjeu qui est d’arriver à sauver encore 1.000 vies par an pour passer sous la barre des 3.000 morts.
Si on ne fait pas cela, on ne fait que renforcer le sentiment de pompe à fric ressenti par les Français et c’est très négatif. Ce qu’attendent avant tout les Français, ce sont des mesures qui améliorent leurs conditions de sécurité routière. Je fais d’ailleurs remarquer que ces dernières années, malgré l’envolée du tout répressif, l’envolée du nombre de points confisqués, l’envolée des radars et des verbalisations, on a des résultats somme toute marginaux parce qu’on ne s’attaque pas aux réelles causes des accidents mortels sur nos routes, au premier rang desquelles figurent l’alcool, la drogue et la somnolence.
TF1 News : Les éthylotests seront obligatoire dans chaque véhicule à compter du printemps 2012 …
L.H. : Donner aux gens les moyens de s’auto-évaluer va dans le bon sens. Mais encore faut-il que ces outils soient ludiques et lisibles. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que la personne qui va s’autocontrôler à 3 heures du matin sera en mesure d’interpréter son résultat.
TF1 News : Si la baisse du nombre de morts sur les routes à tendance à ralentir ces dernières années, n’est-ce pas aussi parce que nous avons atteint une sorte de seuil de résistance, autour des 4.000 morts qu’il est difficile de réduire plus en raison de l’importance du trafic ?
L.H. : Peut-être que ce chiffre de moins de 3.000 morts en 2012 a été décidé un peu au pifomètre et que c’est pour cela qu’il n’est pas en passe d’être atteint. A 40 millions d’automobilistes nous pensons néanmoins que ce chiffre est atteignable. Mais cela ne passe ni par la répression ni par la règlementation, comme c’est le cas actuellement, mais par de la sensibilisation et de l’investissement dans des infrastructures. Je vous donne deux exemples.
Selon l’Institut d’étude des accidents de la route, on dénombre chaque année plus de 1.000 morts en pleine ligne droite. Or, normalement, on n’a pas d’accident en ligne droite. Ces décès sont dus à un changement de trajectoire inexpliqué. L’effet de surprise, l’alcool ou l’inattention ne peuvent pas tout expliquer. Le problème de la somnolence est aujourd’hui totalement sous-estimé par les autorités. On pourrait réduire considérablement ce nombre de morts là en installant des bandes réfléchissantes et sonores pour les conducteurs et en incitant au développement de technologies embarquées dans les véhicules pour anticiper l’endormissement. On a aussi 999 motards tués par an. Le motard est, par définition, très vulnérable au moment de la chute. Il faut réfléchir sur la façon de leur donner accès à de meilleurs outils de protection corporelle. La tolérance zéro ne suffit pas. Sauver des vies, cela veut dire agir vers de réels enjeux.
Commentaire d’un gendarme en retraite
berol60, le 05 Janvier 2012 à 14h40
« Je suis un gendarme retraité. Je suis un peu stupéfait de l’action de la gendarmerie qui, aujourd’hui se polarise uniquement sur les excès de vitesse du moins ce que j’en crois. Il y a 50 ans on nous demandait de faire de la prévention en montrant notre uniforme au bord des routes. Il fallait se faire voir pour dissuader. Vous en voyez encore des gendarmes en poste fixe au bord des routes ? Non! Il était particulièrement interdit de se cacher. Aujourd’hui c’est le contraire. Mes jeunes camarades se transforment en chasseur, le gibier étant l’automobiliste. Je ne comprends plus grand chose aux méthodes employées par la Gendarmerie qui doit avoir des consignes de remplir les caisses par tous les moyens: les radars quelle belle invention! Et qui peut certifier sur l’honneur n’avoir jamais dépassé les 50 km/H en agglomération? Conducteur très prudent je ne peux mettre mon honneur en jeu sur ce pari. »