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On a mis la médecine du travail sous la tutelle du patronat

08 Déc

Basta ! : Vous dites, dans votre ouvrage, que dans le domaine de la santé au travail, le jeu social français est gangréné par l’hypocrisie. Pourquoi ?

La médecine du travail, appelée désormais Service de Santé au Travail (SST) a toujours été le fruit d’un compromis de la société. On a mis ce service sous la tutelle du patronat ! Ce qui est quand même incroyable ! C’est un peu comme si on confiait la douane à un contrebandier. Le directeur de mon service, par exemple, fait partie de la direction du Medef du département. Quand je dis ça aux gens qui ne connaissent pas le fonctionnement de la médecine du travail, ça les fait rire ! Nous n’avons pas l’indépendance nécessaire à l’esprit critique et à l’analyse des dysfonctionnements du monde du travail.

Vous avez pourtant réussi, au sein de votre collectif, à souligner ces dysfonctionnements…

Nous avons tenté d’alerter, à maintes reprises, depuis plus de 15 ans ! Mais nous avons toujours été traités d’extrémistes, de gauchistes, etc., alors que, chiffres en mains, les résultats sont parmi les plus mauvais en Europe. Pour ce qui concerne les inégalités sociales de santé en rapport avec le travail, nous sommes même les meilleurs ! De même pour le harcèlement. Qui le sait ? Qui le dit ? On est encore trop souvent dans la banalisation. La preuve : le gouvernement a essayé de faire passer la réforme de la médecine du travail discrètement, parmi la réforme du système des retraites.

Mais le Conseil constitutionnel a refusé que les deux questions soient traitées dans la même loi.

Le Conseil constitutionnel a décrété qu’il n’était pas moral, quand même, de glisser cette réforme de la santé au travail dans la réforme des retraites. Mais la loi qui sera votée sur le sujet, sans doute en début d’année prochaine, n’en sera pas moins calquée sur le modèle patronal. Le projet actuel n’enlève rien à la mainmise patronale. Pire : il la renforce puisque la mission de santé est retirée au médecin, et confiée au directeur du service, membre du patronat ! Les médecins ne pourront simplement plus travailler. Ils seront pris en tenaille entre la déontologie du métier, qui impose de prendre soin, et les ordres de l’employeur dont les priorités sont tout autres… L’autre problème, majeur pour nous, c’est la suppression de l’entretien annuel avec le salarié au cours duquel celui-ci pouvait, normalement, s’exprimer librement. Puisqu’il était protégé par le secret médical. Nous avions là un potentiel d’analyse fantastique puisque nous voyions tous les ans l’ensemble d’une population.

Aviez-vous vraiment les moyens de voir tous les salariés ? Depuis la réforme de 2004, vous aviez de plus en plus de salariés à voir, et d’entreprises à superviser, non ?

Il est clair que notre indépendance a commencé à être remise en question par la pénurie médicale. On a cessé de former des médecins alors que 1.700 des 6.500 médecins du travail vont partir en retraite ces toutes prochaines années ! Nous devenons des médecins de l’urgence. Nous voyons en priorité les accidents, les embauches de dernière minute, etc. Nous avons de moins en moins de capacités d’analyse qui nous permettraient de pouvoir donner des alertes. De plus en plus nécessaires pourtant, puisque la souffrance au travail augmente.

Comment expliquez-vous cette augmentation de la souffrance au travail ?

En France, la santé au travail est maltraitée, depuis longtemps. Depuis toujours. À ce fonds ancien de maltraitance, s’est ajoutée ces 15-20 dernières années la folie de la rentabilité maximale. Nous, médecins, avons vu le phénomène progresser. Il faut faire toujours plus et mieux, avec toujours moins de moyens, notamment humains. À force, ça fait péter les plombs aux gens ! Le secteur de la production a été touché le premier. Puis celui des services, du social, etc. Beaucoup de salariés sont aujourd’hui dans une souffrance terrible, celle de mal faire leur travail. J’ai vu des travailleurs de maisons de retraite en pleurs dans mon cabinet me dire qu’ils étaient obligés de mélanger la soupe, le yaourt et la compote des résidents pour aller plus vite ! Parce qu’ils sont chronométrés pour toutes leurs tâches ! Après on parle de la maltraitance dans les maisons de retraite, évidemment. La réalité c’est qu’il y a une chaîne de maltraitances. Dans laquelle sont inclus de plus en plus de salariés.

Propos recueillis par Nolwenn Weiler

La santé au travail en France : un immense gâchis humain, Collectif des médecins du travail de Bourg-en-Bresse, Éditions L’Harmattan, 2010, 130 pages, 13 euros.

http://www.bastamag.net/article1337.html

 

3 réponses à “On a mis la médecine du travail sous la tutelle du patronat

  1. Ventdunord Rahan

    9 décembre 2010 at 9 h 23 min

    souvenons-nous que tout cela (depuis le début de l’ère industrielle, de la science, etc…..) était destiné à nous soulager de nos maux, nous rendre plus heureux, faire de nos vies des aller-retour entre vacances, instruction, connaissance travail satisfaisant, convivialité, solidarité, développement humain, découvertes, mieux – être, santé, vie plus longue, …

    et nous voilà sous une chappe de plomb, esclaves d’un système de consommation (je sais ces mots sont vieux, mais hélas toujours plus vrai,) l’esprit détournés, esclavagisés, gavés de bouffe industrielle, produite par d’autres esclaves…….

    si tu rêve d’une cabane dans un coin de forêt, de quelques terres à foin, de quelques bêtes, de ruches…… d’une vie simple.
    Mais c’est interdit ou alors très cher. faudrait que tu bosse 100 ans dans ce système pour y avoir droit si tu n’as pas la mise de départ. et encore, toute les Lois seront là pour te barrer la route et t’empêcher de te débrouiller seul.

    la simple liberté, le simple droit d’être malade, d’avoir mal au dos, sont dans la main de nouveaux petits seigneurs et de leurs valets.

    mais qu’est-ce qu’on peut faire de construcrif sans passer par la révolte et la destruction ?

    a quand cette molécule tirée du chien qui peut être diffusée par chemtrails et qui rend les gens plus humains et foncièrement bon les uns avec les autres ? (dans un roman de Barjavel dont j’ai oublié le titre si qq’un connait ?)

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    • realinfos

      9 décembre 2010 at 15 h 06 min

      Le pire dans l’histoire ne tient au fait qu’un petit nombre de dégénérés tiennent les ficelles de milliards d’humains…!L’homme n’est pas foncièrement mauvais,il le devient et il serait si simple de supprimer nos chaînes en éradiquant nos maîtres sachant qui ils sont pour la plupart,mais comme d’habitude,c’est toujours plus facile à dire qu’à faire…!!!

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  2. martinb

    14 décembre 2010 at 17 h 07 min

    la medecine du travail, n’est rien d’autre qu’une medecine imposée aux travailleurs sans leur consentement. (examens obligatoires)
    cette medecine n’a d’autre but que de vérifier l’adéquation entre le travailleur et son poste de travail.
    Il n’a jamais été question de faire du curatif.

    celui qui se sens mal, peut tjrs aller chez son medecin traitant

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